OGM: un sujet témoin
Entretenues par le spectacle quotidien d’événements de plus en plus amplifiés, nos sociétés sont traversées par un certain nombre de peurs sanitaires et environnementales. Le risque n’est désormais plus contenu par-delà les frontières. Réel ou supposé, il inquiète. Nous semblons vulnérables à mesure que les progrès technologiques se développent. Comme si les matières oubliaient leur objet d’étude. L’absence de réponses fiables nourrit cette inquiétude et s’il est un « sujet-témoin » de cet état de société, c’est bien celui des Organismes Génétiquement Modifiés.
Issu de la recherche en génie génétique et en biologie moléculaire, le travail sur les OGM est tantôt présenté comme une source de vastes progrès technologiques. Faire pousser du blé dans le désert, nourrir une partie de notre planète – le mirage de l’Afrique –, dépolluer certains sols grâce à des bactéries, et accomplir des bonds thérapeutiques. Tantôt, les OGM sont perçus comme facteur de risques. Sanitaires, on ne connaît pas les effets que leur assimilation aura sur l’organisme. Environnementaux, on évalue difficilement l’impact des manipulations sur une parcelle de champ, par exemple, ni sur celles qui sont à proximité.
Et au milieu du gué, le consommateur.
Voilà un sujet qui nous interdit les pratiques d’antan, où chaque discipline, chaque instance de pouvoir, travaillait seule et dans l’ignorance du citoyen. Le sujet des OGM, symbole de cette question-pivot de la santé et de l’environnement – nouvelle dialectique –, impose de réunir les acteurs du pouvoir politique et de la Recherche.
Doublement impliquée, la Recherche est à l’origine des innovations issues du génie génétique, et apporte son expertise sur l’évaluation des risques pour la santé et l’environnement. Face à l’incertain, la Charte constitutionnelle de l’environnement, dont nous fêtons ce mois-ci le premier anniversaire, a consacré le principe de précaution (article 5). Il doit désormais inspirer les autres textes. Principe d’action, le principe de précaution appelle à développer la recherche tout en permettant la protection du citoyen. Là est le rôle du législateur.
Le Parlement examinera dans quelques jours un Projet de loi consacré aux OGM. S’il apparaît insatisfaisant en certains endroits, il devenait urgent que la France transpose les directives européennes et prenne des dispositions sur l’encadrement des OGM. Un Conseil des Biotechnologies, composé de scientifiques, sera crée, chargé d’orienter les choix du gouvernement. N’est-ce pas là un signe du bon mode opératoire ?
Le débat doit avoir lieu. Dans les hémicycles et dans de nouvelles enceintes. Il faut engager un dialogue permanent, où chacun peut y trouver sa place. Le sujet des OGM est à la croisée des enjeux et ne doit être confisqué. Il impose de repenser nos modèles de société et de développement. Il invite à reformuler la notion du progrès.
NKM